La puissance de feu de l'Etna, le raffinement de la culture italienne.
Depuis ces cinq dernières années, j’ai passé de nombreuses heures derrière un comptoir. Blésois de naissance, j’aime partager ma passion pour les vins de Sologne et du Val de Loire en général. Et il y a un vin en particulier qui ne cesse de surprendre amateurs et experts accoudés au zinc : le pineau d’Aunis. « Troublant », « surprenant », voire même « délicieux », « on en reveut! » sont des mots qui ressortent encore et encore.
Le cépage a pourtant perdu près des trois quarts de sa surface en un demi-siècle. Méconnu du grand public et malaimé des vignerons, on lui préfère le gamay et le pinot noir durant toute la seconde partie du XXe siècle. Aujourd’hui encore, peu de producteurs s’aventurent à le replanter.
Pourtant la demande ne faiblit pas, et les caractéristiques de ce vin ont tout pour plaire aux nouveaux consommateurs. D’une robe d’un rouge intense, presque rosée, le pineau d’Aunis est un vin frais, gourmand. Son arôme signature – le poivre blanc – pourrait rappeler la syrah, mais avec ce je ne sais quoi du « Val ». Un compagnon de canonage qui renaît sur nos tables ainsi qu’aux comptoirs des bars à vin nature où il connait un succès grandissant à (re)découvrir d’urgence !
Sommaire
ToggleMythes et origine
Autrement connu sous le nom de chenin noir, sa parenté avec le chenin blanc n’est pourtant que géographique. Au XIXe siècle, à l’heure des grands écrits ampélographiques, la question était de savoir comment distinguer les pinots bourguignons des pineaux ligériens. Pour plus de clarté, le mot pineau est donc évincé de la Loire. On lui préférera le nom de chenin. Le pineau de la Loire s’appellera chenin blanc, et le pineau d’Aunis chenin noir. Qu’importe, le chenin noir reprit finalement le nom de pineau d’Aunis à peine quelques décennies plus tard !
On trouve plusieurs hypothèses quant à la naissance de ce cépage, mais la plupart restent infondées. Si certains avancent qu’au IXe siècle on aurait produit dans le prieuré d’Aunis à Dampierre (près de Saumur) un vin éponyme, d’autres attestent qu’en 1426 le roi Henry III d’Angleterre, amateur de clairet, en proposait à sa table. Bien que l’on soit tous un peu friand de légendes et de belles histoires, aucun historien n’a pu donner de réponse irréfutable à ces deux affirmations.
Pour l’heure, nous savons que la parenté génétique du pineau d’Aunis se trouve dans le Béarn et porte le nom de pé de perdrix. Il se pourrait que les ligériens en aient fait l’achat auprès des marchands de l’Aunis, une ancienne province de la Charente. Il était en effet assez commun de nommer les ceps en fonction de leur lieu de commercialisation.
Les premiers écrits indiscutables remontent à 1808. On retrouve la trace du pineau d’Aunis sous les noms d’ony, onis. Dans le Vendômois, on écrit qu’il remplace progressivement le noir tendre, un cépage sans grande valeur gustative. De Blois à Saumur, son influence s’étend rapidement pour atteindre 1741 hectares en 1958.
Caractéristiques du Pineau d’Aunis
Loin des standards plébiscités par l’INAO, le pineau d’Aunis ne doit sa survie qu’aux derniers îlots de vignes sauvegardés en Sologne, en Touraine et dans le Saumurois (André Deyrieux, A la rencontre des cépages modestes et oubliés, 2016). On en trouverait aujourd’hui quelques 500 ha.
Bien que membre de l’espèce vitis vinifera et classé au Catalogue officiel des variétés de vigne de raisins de cuve, ce cépage n’en est pas moins capricieux, et ses rendements ont tendance à varier de manière interannuelle (alternance). Du fait de ses grappes compactes, il est sensible à la pourriture grise. Il craint également le mildiou, l’anthracnose, la brunissure et la chlorose.
Le pineau d’Aunis présente peu d’intérêt si l’on fait « pisser la vigne » : aqueux, déséquilibré, sans profondeur. Il fut presque balayé de la surface du Val de Loire, au profit de variétés plus rentables. Mais aujourd’hui on le comprend mieux, et c’est grâce à une poignée de passionné(e)s tels qu’Eric et Christine Nicolas qu’il retrouve sa vraie nature : « Nous avons choisi ce cépage parce qu’il est fin, complexe et complet. Il offre un registre aromatique épicé hors du commun et prononcé. Il se prête à la vinification en rouge, en rosé demi-sec, en moelleux et liquoreux, en bulles et en vin de paille ! »
Styles, dégustation et accords
Qu’il soit produit en rosé, en rouge ou en pet nat, le pineau d’Aunis – à l’instar de la syrah ou du fer servadou – dégage quasi-systématiquement une note plus ou moins puissante de poivre blanc. Cette impression est donnée par une molécule très odorante, la rotundone. Pour le compléter, des arômes de fraise, de framboise ou de cassis apparaissent afin de créer un équilibre parfumé irrésistible entre le fruit et l’épice.
Dans les Coteaux-du-vendômois, le pineau d’Aunis agit en patron avec le gris d’Aunis, un rosé de pressurage direct en mono-cépage. Frais et floral, il accompagne en toute simplicité une assiette de charcuterie ou des brochettes de poulet grillé.
En rosé toujours, on le trouve en mono-cépage ou en assemblage dans les rosés de Touraine, les rosés-d’Anjou et les Coteaux-du-loir. Leur style varie selon l’appellation, l’assemblage et le type de vinification. Un carpaccio de haddock aux agrumes ou un jeune fromage de chèvre fera parfaitement l’affaire.
En rouge, c’est encore du côté de Vendôme qu’on le retrouve en majorité (au moins 50% de l’assemblage) dans les AOP Coteaux-du-vendômois et Coteaux-du-loir. Aux arômes poivrés viennent s’ajouter de succulentes notes de kirsch et de prune, qui apparaissent sur des millésimes plus chauds après quelques années de vieillissement. Pour les pros du fourneau, des pigeons solognots rôtis à la rhubarbe ou un croustillant de rougets au Selles-sur-cher ramènera la Sologne dans votre assiette !
Le pineau d’Aunis est utilisé en assemblage dans plusieurs zones du Val de Loire : en Anjou, à Saumur-Champigny et même dans l’appellation Crémant de Loire. On le trouve jusque dans le Berry, à Valençay.
Sélection de pineau d’Aunis
Loin d’être exhaustive malgré la modeste surface cultivée, cette sélection vous permettra de découvrir ce que le pineau d’Aunis offre de plus typique. Bonne dégustation !
- Thierry Puzelat (Clos du Tue Boeuf) – Pineau d’Aunis, vin de France
- Philippe Tessier – Chemin noir, vin de France
- Eric, Christine et Clément Nicolas (Domaine de Bellivière) : Rouge-Gorge, Coteaux du Loir
- Famille Vaillant (Domaine les Grandes Vignes) : 100% pineau d’Aunis, vin de France
- Domaine Patrice Colin : Gris, Coteaux-du-vendômois
Sans oublier un coup de coeur personnel, L’insolent du bourguignon François Écot et son assemblage de cinq cépages dont le pineau d’Aunis, en vin de France, ainsi que mon ami du lycée, William Théry qui je l’espère nous régalera de nouveau avec son pet’ nat blanc de noirs, un pineau d’Aunis solognot pur jus!
Cet article s’appuie sur les travaux de l’archéologue Henri Galinié, et notamment sur ses « Recherches sur l’histoire des cépages de Loire » publiés en 2014.
Sources : IFV Occitanie, A la rencontre des cépages modestes et oubliés, Lescepages, Cepagesdeloire
Articles Liés
-
A la découverte du nerello mascalese - Sicile, Italie
-
A la découverte de la ribolla gialla - Frioul, Italie
De plus en plus utilisée pour les vins blancs de macérations, la ribolla gialla est…
-
L'Interview de William Théry – Cheverny, France
Retour au bercail, précisément où je suis né près de Blois, dans le Loir-et-Cher, à…