Aller au contenu
Accueil » Blog » Interviews » L’interview de JR Bellanger : Amaretto Adriatico – Pouilles, Italie

L’interview de JR Bellanger : Amaretto Adriatico – Pouilles, Italie

"Le produit est né exclusivement d’un besoin personnel : celui de boire mieux." J-R Bellanger

Vingt ans que le projet se dessinait doucement dans la tête de Jean-Robert. L’italo-breton aux papilles trempées dans le beurre salé et le tiramisu a passé 20 années à promouvoir l’amaretto, célèbre liqueur aux amandes italienne.

Aujourd’hui accompagné de Thomas, son associé, ils proposent un regard nouveau en lançant Adriatico, un amaretto français élaboré à partir d’ingrédients naturels, et sont en passe de réveiller un marché qu’ils qualifient de « belle endormie ».

Le cadre et la boisson idéale pour un aperitivo réussi !

L’origine de l’amaretto

Avec une production globale avoisinant les 40 millions de bouteilles par an, une demande émanant surtout des USA et un unique leader produisant près de 80 % des volumes, l’amaretto n’est pas une boisson trendy, sur laquelle les projecteurs semblent être braqués. Et pour cause, si vous demandez à tous les barmen du monde entier ce qu’ils font du Disaronno dans leur bar, ils vous répondront probablement “un amaretto sour” ou bien “je le dépoussière !”, cette bouteille étant loin d’être la plus demandée par leur clientèle.

L’histoire de cet alcool pourtant remonterait au XVIe siècle si l’on en croit la légende : un membre du clergé se présentant dans un cloître de la banlieue de Milan aurait trempé des amaretti dans de l’alcool afin de pouvoir les manger, ces biscuits aux amandes et au sucre étant de nature très secs et trop durs pour ses dents. On aurait recréé cette recette pour en faire une liqueur qui par la suite aurait été popularisée par un des élèves de De Vinci.

"La route est longue de Boulogne à Rome".

Adriatico, le délicieux contre-pied

Afin de retrouver ce goût si particulier – que le reste du monde découvrira au XXe siècle -, tout en tenant les cadences de la demande internationale, on finira par industrialiser le procédé et même par retirer l’amande de la liste des ingrédients, les noyaux d’abricots ayant un goût similaire mais à un coût bien moins élevé.

Depuis, l’amaretto n’a pas fait grand-chose pour se renouveler, pourtant à une époque où les bartender sont sans cesse en quête de nouvelles saveurs. Difficile en effet d’innover quand le goût monochrome de cette liqueur qui ne contient donc plus un gramme d’amande et en plus contrebalancé par près de 400 grammes de sucre et des arômes de synthèse.

C’est donc contre le cours de la mode que cette gourmandise a tenu Jean-Robert assoiffé pendant de nombreuses années. Tantôt en sour, tantôt allongée de Redbull (société pour laquelle il a travaillé durant plusieurs années avant de se lancer dans l’aventure Adriatico), il développe une passion pour cette liqueur, ses arômes uniques, et entrevoit son potentiel en imaginant une recette qui saurait lui donner le même plaisir mais dans un registre plus authentique, et avec surtout moitié moins de sucre. 

Fort de son expérience dans le marketing, Jean-Robert complète ses ambitions en dessinant une forme de bouteille au design tonitruant évoquant le Castel del Monte dans les Pouilles, d’où sont originaires les amandes qu’il utilise.

Il ne s’arrête pas là et créé dans la foulée une liqueur innovante encore jamais commercialisée, de l’amaretto blanc, un digestif élaboré à base d’amandes crues et de vanille, qui n’est pas sans rappeler le lait d’amande et fait exploser l’imagination des mixologistes, qui l’utilisent afin de ré-inventer toute une batterie de cocktails classiques, de la Piña colada au Porn star Martini en passant par le Cappuccino Corretto etc. L’épopée Adriatico ne fait donc que commencer !

L'amaretto bianco : une création signée Adriatico

En rencontrant Jean-Robert à l’automne 2019, j’ai découvert la liqueur Adriatico qu’il présentait aux revendeurs parisiens. Depuis, l’Adriatico ne me quitte plus et j’avais à coeur d’en savoir un peu plus sur les raisons de ce succès, depuis son élaboration jusqu’à sa mise en marché. Andiamo !

Ce rêve bleu... en Fiat 500 c’est merveilleux

L’interview de Jean-Robert, Adriatico

Pour faire une liqueur sans se ruiner, la recette est connue : eau, sucre, alcool et produits de synthèse. Avec Adriatico, vous ne suivez pas vraiment cette dynamique. Vous souhaitez prendre le marché à contre-pied ?

La réponse est assez simple: on n’a pas fait d’étude de marché, on n’a pas posé la question autour de nous. Etant un grand fan de liqueur, en soirée les autres ramenaient des bières, ou peu importe… moi une bouteille d’amaretto! Et en effet, la seule offre disponible à cette époque c’était un alcool très sucré. Du coup le produit est né exclusivement d’un besoin personnel : celui de boire mieux.

L’idée n’était pas vraiment de se lancer dans un projet à but commercial ?

L’idée, depuis des années c’était de faire un amaretto pour nous, un peu dans la même veine que le « vin des copains », on s’en fait un petit batch pour rigoler. Mais même ça c’était compliqué, Thomas et moi-même à l’époque avions des postes à responsabilité, c’était dur de se donner du temps libre.

Et puis quand j’ai rencontré ma femme, originaire des Pouilles, je me suis mis à faire le tour des distilleries en Italie, à me promener avec elle, et je me disais : autant trouver un amaretto de qualité déjà fait, et le remettre en bouteille avec une étiquette marrante, faire mon propre branding et le donner aux copains. 

Malheureusement en faisant le tour des distilleries je me suis aperçu que personne ne respectait vraiment un processus de fabrication différent, qualitatif. Même ceux qui se lançaient dans l’amaretto bio préféraient copier le leader du marché, c’est-à-dire avec des arômes et 400 g de sucres. J’ai toujours voulu amener ce digestif sur la scène de l’aperitivo, ce qui implique de réduire la dose de sucre.

Ce processus qualitatif a l’air de vous tenir à coeur. Pourtant votre expérience (Red Bull, Volkswagen, Tag Heuer, Cora…), vous prédestinait plutôt à faire du business en fonction de ce que le consommateur recherche : du marketing bien plus que de la qualité…

Comme je l’ai dit, ça part d’un besoin personnel, où le diktat de l’industriel derrière nous qui nous force à produire pas cher et en gros volume n’existe pas. De plus quand on part de zéro on n’a pas trop le choix, on doit faire quelque chose qui soit bon. Et au-delà de ça, c’est surtout l’envie d’obtenir un produit qui respecte notre propre éthique, c’est pas parce qu’on vient des grands groupes qu’on adhère à leur philosophie.

Gian-Roberto et la squadra mandorla !

Cependant, le jour où votre projet prendra son essor, et que la demande s’amplifiera, pensez-vous pouvoir rester éco-durable et éco-responsable?

Aujourd’hui on se fournit chez un producteur d’amandes des Pouilles qui a cette logique de respect de la nature et du terroir ; nos amandes douces sont bios, récoltées à la main. On ne communique pas vraiment sur ce point car la logique des certifications nécessite une approche commerciale différente ; nous avons un contrat de confiance avec les producteurs des Pouilles et nous tenons à continuer à travailler avec eux, par souci qualitatif, et humain.

Même si un jour l’activité s’intensifie, nous refuserons de nous approvisionner dans des pays où il est difficile de garder un oeil sur les conditions de production. La logique voudrait plutôt qu’on travaille sur des formes d’allocations -comme dans le vin à la rigueur- pour sécuriser notre approvisionnement, et pouvoir jouer sur la rareté du produit plus que sur l’inondation du marché.

Même principe pour nos amandes amères, que nous utilisons pour l’Adriatico Bianco. L’Italie produit peu d’amandes amères, et elles sont surtout fabriqués à destination de l’industrie pharmaceutique, qui en extrait le cyanure. Même si l’approvisionnement peut se compliquer à l’avenir, nous ne dérogerons pas à notre règle qualitative.

Tout comme pour notre consommation en sucre d’ailleurs. Adriatico est fait avec du sucre de canne, et nous savons que c’est une industrie très intensive, c’est pourquoi nous sélectionnons un sucre de canne non raffiné. Tout ça par principe, mais aussi parce que de nos jours tout se sait.

Un industriel qui ment sur la provenance de ses matières premières se fait rattraper un jour ou l’autre. Surtout que la sanction sur les réseaux sociaux est bien plus virulente que dans le passé.

Sur un autre sujet, j’aimerais connaître ton point de vue sur la tendance des micro-distilleries/brasseries qu’on voit se multiplier…

C’est tout simplement génial, tout le monde se réapproprie son territoire en fin de compte, et ce qui se passe est exceptionnel. Il y a encore peu de temps on se fiait aux sirènes du tout industriel, du moins cher possible, et de l’abondance. Maintenant, on a compris que consommer moins, mais consommer mieux, c’est un bénéfice pour tous.

Et la réponse apportée par ces micro-entreprises correspond totalement aux attentes du consommateur. On était il y a quinze jours à Lons-le-Saunier chez Bruno Mangin, un passionné d’affinage en fûts, notamment de whisky et de rhum. Il fait également de la bière, vieillie en fûts, par conséquent sans bulle ; ce sont des produits de haute qualité mais qui clairement n’auraient pas eu de marché il y a quelques années de ça ; il aurait vendu ça à quelques aficionados. Aujourd’hui, il a une forte demande. 

Ce qui me fait réaliser -je me prends en exemple- que je serais incapable d’apprécier une bière industrielle aujourd’hui, alors que j’en ai bu un certain nombre de packs dans ma jeunesse. Une fois que tu as pris goût à la différence, à l’unique, c’est difficile de revenir en arrière. Et c’est pareil avec l’amaretto.

J’ai rencontré des bartender de 50 ans, qui travaillaient depuis plus de 30 ans avec la même marque d’amaretto -qui pour eux étaient la Rolls- ils goûtent autre chose mais ils ne sont pas prêts, et le jour où ils re-goûtent ce produit industriel il se disent “mais comment j’ai fait ?” Parce qu’au final, quand il n’y a pas de benchmark tu fais sans, tu ne te poses pas la question.

Pareil pour l’avènement des micro-vinificateurs de vins natures : 80 % des gens qui vont goûter un vin nature vont te dire « c’est déviant, ça a le goût de chaussette », mais dans quelques années beaucoup de choses auront changé, bientôt on aura accepté le goût non modifié chimiquement du vin. D’ailleurs à l’origine le vin arrivait dans les citadelles en amphores, il s’oxydait très vite et perdait rapidement son caractère fruité, d’où l’invention par exemple du vermouth.

Bref, mon point de vue reste positif, mais sans tomber non plus dans l’excès de tous ces exemples ahurissants, du gin distillé au sel de l’Himalaya, ou filtré au sable de La Baule ou je ne sais quoi. Quand on a créé Adriatico on a fait un produit qui venait du coeur, pas du marketing. Le sel qu’on a ajouté dans notre liqueur c’est pour apporter une vraie plus-value : moi je suis moitié breton, alors le caramel au beurre salé, c’est dans mon sang !

"Iconoclasse" le J-R

Bien que tu n’en sois qu’au début de cette aventure, tu aurais des conseils à donner à ceux qui voudraient se lancer dans la micro production d’alcool, des pistes à creuser ?

 

On pourrait en parler des heures ! Il y a beaucoup de choses à explorer, partout. Cependant, je me suis rendu compte que l’Italie a un savoir-faire incroyable à matière de Food&Beverage, ce sont des gens en qui on peut avoir confiance pour l’avenir.

En terme de communication, l’e-marketing te permet de lancer ton projet quasi-immédiatement : je n’aurai pas imaginé ça il y a 20 ans, les circuits de communication étaient tous verrouillés ; quand je regarde en France, mon distributeur a 32 ans, pareil en Allemagne, c’est un jeune, il faut leur donner leur chance. 

De plus, il faut faire confiance aux entreprises qui ont des cheminements de pensées novateurs : je vais citer Eataly, une entreprise qui n’a pas attendu de voir les résultats avant de nous faire confiance : Eataly Paris a été la première entreprise à nous distribuer, alors que nous n’avions pas vendu une seule bouteille, c’est une prise de risque énorme, et c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle Eataly cartonne dans le monde, c’est parce qu’ils sont en prise de risque quasi-permanente, par exemple leur emplacement dans les hypercentres, ça doit coûter des fortunes.

 

Le goût du risque ça a l’air de beaucoup te parler… 

 

La prise de risque, c’est un des conseils que je donne à ceux qui se lancent. Il faut se positionner là où on ne t’attend pas : les gens me disaient « de l’amaretto ? pourquoi tu fais pas du gin ou de la vodka, ça cartonne ! » Je leur répondais : d’une parce que le marché est déjà pris, de deux parce que je ne bois pas de ces alcools là. Hier j’étais dans un cocktail bar, j’ai commandé des Amaretto sour ;  pour le plaisir de les boire, pas parce que j’en vend, parce que j’aime ça.

Alors oui, quand on y pense, que veulent les retailers ? Un beau packaging, un produit qu’ils achètent pas cher et qu’ils revendent cher. Et ce produit, je te le fais demain en soi, mais la prise de risque est minimum, c’est pas intéressant. La prise de risque ! Elon Musk, je suis pas certain que beaucoup croyaient en lui avec ses voitures électriques, maintenant il fait le double des valorisations des plus grands groupes automobiles.

Mon créneau, quoi que notre société produise à l’avenir, est celui d’une passion : réveiller de belles endormies, remettre au goût du jour des produits qui méritent d’être connus, avec de nouvelles méthodes de production. Et notre futur projet, qui je l’espère verra le jour l’année prochaine, est une très belle endormie…

 

Affaire à suivre ! Dernière question, quel a été ton coup de coeur de dégustation récemment, quelque chose qui t’a marqué ? Et pour toi, Thomas ?

 

Heureusement pour moi ça m’arrive souvent ! Donc pas plus tard qu’hier soir, un vin que j’ai découvert, on en parlait à l’instant, chez Eataly : c’est un Nebbiolo, un vin rouge du Piémont, produit par la Cantina Produttori Nebbiolo di Carema. C’est en appellation Carema donc, c’est un vin très frais, très léger, produit en montagne, qui te séduit ne serait-ce que par sa robe d’une intensité rare, qui donne l’impression de boire un vin des années 1980, alors que c’était un 2015, bluffant. Il est fin, fruité et légèrement épicé.

 

(Thomas) : Toujours un vin italien, blanc par contre, et produit en Sicile sur les pentes de l’Etna. Le producteur c’est Tornatore et l’appellation c’est Etna bianco, le cépage carricante. Etant un grand fan de vins bourguignons, j’ai été bluffé par la personnalité de ce vin, sa minéralité et son côté très élégant qui rappelle de grands chardonnay.

Alla prossima !

Pour se procurer les deux amaretti de la maison Adriatico :

Adriatico – Amaretto

Adriatico – Amaretto bianco

Update 2022 : L’édition limitée reposée 12 mois en fûts de Caroni est disponible et limitée à 1500 bouteilles!