Aller au contenu
Accueil » Blog » Méthodes de vinification » Tout savoir sur la macération carbonique 🍇

Tout savoir sur la macération carbonique 🍇

"Cette technique développe des arômes fruités intenses, assouplit les tanins et tempère l'acidité."

Du fruit, du fruit, du fruit ! C’est un peu réducteur mais qu’est-ce que c’est bon (avec modération !) Quand on parle de macération carbonique, on évoque souvent ces vins rouges fruités, souples et fringants que l’on déguste autour d’un bon apéritif entre amis.

Ces vins que l’on obtient à partir de grappes entières sont soumis à un processus d’élaboration intense que vous allez découvrir. Cette technique est particulièrement répandue dans la région du Beaujolais, où les vignerons élaborent des vins typiques et aromatiques issus du gamay.

Saucisson en main ? Alors c’est parti !

Le Mont Brouilly, emblème du Beaujolais, quartier général de la macération carbonique.

Les bases de la macération carbonique

On appelle macération carbonique la méthode qui consiste à faire fermenter des grappes entières de raisin dans une cuve saturée en gaz carbonique. Cette opération se déroule en théorie sans ajout de levures ni sulfites. En effet, le manque de dioxygène empêche le travail des levures (je peux plus respirer, Jafar !) mais protège aussi le moût de l’oxydation.

Un vinificateur n’élabore jamais de vin par la seule macération carbonique, qui n’est qu’une étape. Pour obtenir le produit fini, il faut également passer par une fermentation alcoolique classique.

Historique de la méthode et origines géographiques

À l’origine, cette opération se produisait naturellement dans les amphores et les tonneaux où les raisins étaient stockés.

En France, plusieurs scientifiques étudièrent ce phénomène, au début du XIXe siècle. Des premières observations de Lechartier et Bellamy (Traité de l’alcoolismepage 12), qui serviront aux travaux de Claude Bernard (cité dans Les Fermentations de Schützenberger, page 244) mais surtout à ceux de Louis Pasteur. Pasteur fut le premier, entre 1872 et 1875, à décrire les effets de la macération carbonique sur le vin. En soi la maîtrise de cette technique est donc relativement nouvelle.

Aujourd’hui, elle est surtout associée à la région du Beaujolais, où elle est pratiquée depuis le début du XXe siècle. Elle est également utilisée ailleurs en France dans le département du Tarn, afin de produire le gaillac primeur.

On la retrouve parfois dans d’autres régions du monde. En Espagne, en Italie, en Australie ou aux USA par exemple. Les vignerons la pratiquent avec d’autres cépages, pour produire des vins rouges légers et faciles à boire.

Les vendanges doivent impérativement se faire à la main. © cubanfoodla

Le processus biochimique en détail

La macération carbonique se déroule en plusieurs étapes. Tout d’abord, les raisins entiers sont placés dans une cuve hermétique, où l’on injecte généralement du CO₂ pour créer une atmosphère anaérobie. Les baies situées au fond de la cuve sont écrasées par le poids des autres, et libèrent du jus qui commence à fermenter grâce aux levures naturelles présentes sur la pruine. C’est ce qu’on appelle le jus de goutte.

Les baies intactes, quant à elles, subissent une fermentation intracellulaire. Les enzymes et les sucres contenus dans les cellules du raisin réagissent entre eux pour produire de l’alcool, du dioxyde de carbone et des composés aromatiques. L’acide malique est également dégradé en alcool et en produits secondaires, conduisant à une baisse de l’acidité.

Cette fermentation intracellulaire dure entre 5 et 15 jours, selon la température de la cuve (entre 25 et 32°C). Ensuite, les raisins sont pressés et le jus obtenu, qui contient encore des sucres, termine sa fermentation alcoolique – en milieu oxygéné – avec le reste du jus de goutte, entre 18 et 20°C.

Le vin est ensuite soutiré. Selon les méthodes, il peut ensuite être filtré et mis en bouteille rapidement, ou passé en fût de chêne.

Le principe en image.

Les effets de la macération carbonique sur le vin

L’impact sur les arômes et la structure du vin

La macération carbonique confère au vin des notes fruitées, florales et épicées. Elles nous évoquent la cerise, la framboise, la violette ou la cannelle. Ces arômes sont le résultat de la fermentation intracellulaire, qui produit des composés volatils spécifiques, comme les esters, les aldéhydes ou les alcools supérieurs.

Mais elle influe également sur la structure, en réduisant l’extraction des tanins et des anthocyanes, qui sont responsables de la couleur et de l’astringence du vin rouge. Les vins issus de la macération carbonique sont donc plus souples et plus clairs que les vins classiques.

Et la banane ?

Systématiquement associé au Beaujolais Nouveau, la banane n’est pas un marqueur propre au gamay, ou à la macération carbonique. Il est dû au développement d’un ester, sous l’effet d’une levure nommée la 71B-1122. Cette levure est utilisée pour sa résistance et sa capacité à livrer un vin fini en quelques semaines. Le Dico du vin l’explique de manière très claire :

Dans un but de rapidité, plutôt que de laisser faire la nature, il est plus facile au vinificateur d’ajouter des levures élevées en laboratoire qui produisent ce goût si particulier, faisant penser à la banane. Il provient de l’acétate d’isoamyle, catégorie chimique des esters. Ce fameux goût de banane est dû à une levure, baptisée 71B. C’est elle qui favorise l’expression des arômes, tout particulièrement des esters, comme l’acétate d’isoamyle libérant cette odeur de banane.”

© Mykolas

Différenciation des profils de vins obtenus

La macération carbonique n’est pas une technique uniforme. Il existe différentes variantes qui permettent d’obtenir des profils de vins différents.

On distingue notamment la macération carbonique stricte, qui consiste à faire fermenter les grappes dans une cuve saturée en CO₂ pendant plusieurs jours, sans aucun contact avec le jus de goutte, et la macération semi-carbonique, qui consiste à faire fermenter les grappes dans une cuve où le CO₂ est produit par le jus de goutte issu des baies écrasées au fond de la cuve.

Mais la macération carbonique stricte est très rare, car difficile à appliquer. Cependant, elle donne des vins plus légers et plus acides, tandis que la macération semi-carbonique donne des vins plus structurés, plus colorés et plus alcoolisés.

Conservation et évolution des vins issus de la macération carbonique

Ces vins sont généralement destinés à être consommés jeunes. Ils sont souvent commercialisés en primeurs, c’est-à-dire quelques semaines après la récolte, comme le célèbre Beaujolais nouveau.

Toutefois, certains vins issus de la macération carbonique peuvent se conserver et se bonifier pendant plusieurs années. Ils doivent être élaborés à partir de baies de qualité, et passer un élevage en fût de chêne ou en foudre. En outre, ils doivent bénéficier de conditions de conservation optimales.

Ces vins peuvent alors développer des notes plus évoluées, comme les sous-bois ou le kirsch. J’ai dernièrement goûté un vieux Moulin-à-Vent aux senteurs plus insolites de curry !

Pour que les retissants à la lecture puissent suivre, Camille Lapierre nous explique avec passion sa vision de la vinification au domaine 😄

La pratique de la macération carbonique

Les étapes de la vinification

  1. Récolter les raisins à la main, en choisissant des grappes saines et mûres, sans les érafler ni les fouler.

     

  2. Remplir une cuve hermétique avec les baies, en évitant de les tasser ou de les abîmer.

     

  3. Injecter du gaz carbonique dans la cuve pour créer une atmosphère anaérobie et empêcher l’oxydation.

     

  4. Laisser les raisins fermenter à l’intérieur de la cuve pendant une durée variable selon le type de vin recherché, en contrôlant la température et la densité du jus de goutte.

     

  5. Décuver et presser les raisins pour récupérer le jus, qui contient encore des sucres résiduels. Ce pressurage peut s’avérer être plus lent que lors d’une vinification classique.

     

  6. Terminer la fermentation alcoolique du jus en ajoutant éventuellement des levures exogènes.

     

  7. Soutirer, filtrer et mettre en bouteille, avec ou sans élevage.
 
Les abeilles aussi veulent goûter ! © Clos 3/4

Avantages et inconvénients

La macération carbonique présente des avantages et des inconvénients, selon les objectifs du vigneron et les attentes des consommateurs.

Parmi les avantages, on peut citer :

  • La production de vins rouges gourmands, souples et peu tanniques, qui plaisent à un large public et qui peuvent être consommés jeunes.
  • La valorisation de certains cépages, comme le gamay, qui expriment pleinement leur potentiel aromatique grâce à cette technique.
  • La réduction de l’acidité du vin, grâce à la dégradation de l’acide malique.
  • La facilitation de la fermentation alcoolique et malolactique, grâce à la dégradation des protéines.
 

Parmi les inconvénients, on peut citer :

  • La nécessité d’une vendange manuelle et d’un matériel spécifique, ce qui augmente les coûts de production et la complexité de la vinification.
  • La sensibilité du vin à l’oxydation, ce qui limite sa conservation et son vieillissement.
  • Le risque de contamination bactérienne ou acétique, ce qui nécessite une hygiène irréprochable et une surveillance constante.
  • L’uniformisation du style du vin, ce qui peut nuire à la diversité et à la typicité des terroirs et des cépages.

Sélection

Maintenant que vous en savez plus sur cette méthode d’élaboration, il est temps de passer à la pratique ! Comme vous avez pu le constater la macération carbonique concerne essentiellement les vins rouges. Mais il existe aussi du vin rosé, et une poignée de vins blancs, ces derniers étant généralement issus du muscat. Rendez-vous en cave pour plus d’informations 😃

Bonne dégustation !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.