Terrassés par la canicule, les vins de Bordeaux étudient de nouvelles options pour pérenniser leur…
S’adapter. Si le vignoble bordelais est si reconnu aujourd’hui, s’il survit à toutes les crises qu’il connaît, c’est grâce sa résilience, son acharnement. En cette période de « Bordeaux Bashing », beaucoup ne l’entendent pas. Mais en prenant le recul nécessaire, on s’aperçoit que la volonté des vins de Bordeaux est de s’inscrire dans la durée, comme ils l’ont toujours fait.
Nouvelle preuve en ce début d’année 2021 : une demande faite auprès de l’INAO d’inscrire au cahier des charges des AOP Bordeaux et Bordeaux Supérieur de nouveaux cépages. Dans une région où les traditions ne courbent pas souvent l’échine, c’est une initiative remarquée…
Sommaire
ToggleExpérimentation décennale
Dans le but de freiner au maximum les effets du dérèglement climatique sur le vignoble bordelais, le syndicat du CIVB et l’INAO ont donc décidé d’agir. A partir de ce millésime 2021, les producteurs de vins de Bordeaux et Bordeaux Supérieur pourront donc planter six nouveaux cépages (quatre noirs et deux blancs) à titre d’essai, et à hauteur de 5% de la surface totale. Lorsqu’ils seront prêts à être vendangés, ces cépages ne devront pas dépasser 10% de l’assemblage.
Initiée en 2019, la décision d’implanter de nouveaux cépages s’est opérée dans un contexte de réchauffement climatique et de sécheresse inédite dans la région. Depuis bientôt vingt ans, le taux d’alcool dans les vins n’a fait qu’augmenter, et le déséquilibre commence à se faire sentir, surtout dans les vins à dominante de merlot.
Ainsi le choix s’est porté sur des variétés plus tardives, pouvant être vendangées plus tard, et ainsi maîtriser l’équilibre entre l’acidité et les taux de sucres. Leur résistance aux maladies est également un facteur important.
Cette expérimentation se déroule sur une période de dix ans, renouvelable une fois. A l’issu de ces essais, les dirigeants des AOP de Bordeaux et Bordeaux Supérieur décideront de l’avenir de ces cépages en fonction des résultats. Si leur assemblage dénature l’image et l’ADN de leurs vins, ils les abandonneront simplement. Ils n’excluent pas toutefois d’étudier la candidature d’autres variétés de raisin.
Quatre cépages noirs
A la suite d’expérimentations qui se sont déroulées à l’INRA de Villenave-d’Ornon, 6 cépages sur 52 ont finalement été retenus. Parmi eux, quatre cépages noirs : le castets, le marselan, l’arinarnoa et le touriga nacional. Ils viennent donc s’ajouter au cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot, petit verdot, malbec et carménère.
Le castets
A la grande joie des défenseurs d’une viticulture historique et locale, le castets refait son apparition dans le vignoble bordelais. Cépage oublié depuis la crise du phylloxera, il a été choisi pour ses capacités à résister à la pourriture grise, à l’oïdium et au mildiou. Il est donc moins consommateur en fongicide. Il donne des vins de garde denses et colorés. Seul défaut, un taux d’alcool potentiel élevé.
Le marselan
Issu du croisement entre le cabernet sauvignon et le grenache, il est créé en 1961 par l’INRA. On l’utilise dans l’AOC Côtes-du-Rhône pour son débourrement tardif et sa résilience aux climats arides. Résistant à de nombreuses maladies, il produit un vin dense et fruité.
L’arinarnoa
Croisement entre le cabernet sauvignon et le tannat, il fut lui aussi créé par l’INRA, en 1956. Résistant également à la pourriture grise, il s’adapte à des conditions climatiques chaudes tout en produisant un raisin haut en acides et faible en sucres. On lui prête des tanins fermes et une aromatique complexe.
Le touriga nacional
Bien connu des amateurs de Porto, il est un des grands cépages portugais, ce qui pose déjà quelques interrogations. A l’aise sur des sols schisteux, il pourrait ne pas convenir aux sols bordelais. On le classe cependant parmi les cépages les plus tardifs, et son aptitude à résister à la sécheresse est indéniable, tout comme sa grande palette aromatique.
Deux cépages blancs
Pour compléter le tableau, et accompagner les huit cépages blancs autorisés dans l’assemblage des vins blancs de Bordeaux (sauvignon blanc, sauvignon gris, sémillon, muscadelle, colombard, ugni blanc, mauzac et merlot blanc), l’alvarinho et le liliorila sont donc les deux cépages sélectionnés pour cette expérimentation.
L’alvarinho
Possible descendant du savagnin, son implantation sur le terroir bordelais risque de poser les mêmes questions que celle du touriga nacional, du fait de son origine portugaise également. Le cépage emblématique des Vinho Verde possède néanmoins une capacité de résistance accrue au réchauffement climatique et dispose d’une puissance aromatique qui a tendance à s’effacer chez ses confrères bordelais lors des grandes chaleurs.
Le liliorila
Enfin le liliorila, créé par l’INRA en 1956, est un croisement entre le chardonnay et le baroque. Egalement très aromatique, il résiste à la pourriture grise et produit des vins à fort taux d’alcool potentiel. Il est donc un candidat idéal pour la production de vins liquoreux.
Concernant la communication autour de ces nouveaux arrivants, il sera demandé de ne pas le mentionner sur l’étiquette, afin de conserver d’abord le caractère expérimental de cette pratique, avant l’aspect commercial.
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