Procédé remis au goût du jour par la célèbre maison Masi en 1964, le Valpolicella ripasso est devenu ces dernières années une gourmandise transalpine très appréciée sur le marché français ! À l’image du panettone, de la focaccia, et bien évidemment de l’inévitable Spritz, de nombreuses spécialités italiennes se sont généralisées un peu partout en France pour notre plus grand plaisir 😋
Les Véronais eux, se délectent déjà depuis des siècles de leur Valpolicella. Le ripasso (de l’italien ripassare, repasser) est l’un d’entre eux. Découvrez son histoire et ce qui fait de ce vin un produit si unique.
L’héritage du Valpolicella ripasso
À une époque où les gens buvaient plus de vin que d’eau et où les vignobles devaient produire d’énormes quantités de raisins, les vins étaient peu alcoolisés, peu concentrés et ne duraient pas longtemps. Mais en revanche ils étaient consommés rapidement, généralement dans l’année suivant la production.
Il n’était pas rare qu’un lot de vin présente des défauts et reste en cave plus longtemps que prévu, faute d’acheteur. Dans ces cas-là, le caviste disposait de plusieurs options pour remédier au problème…
Retour aux origines
Depuis l’époque romaine, deux vins sont généralement produits en Vénétie. Le vin de base, élaboré avec des raisins frais de la nouvelle vendange, et le recioto, un vin doux produit avec des raisins passerillés pendant plusieurs mois. En février ou en mars, après la période de séchage et de fermentation, le recioto était soutiré du marc.
Les producteurs prenaient ensuite une partie du vin le plus insipide ou défectueux de l’automne précédent et le mettaient dans les cuves avec le marc de recioto, très concentré et riche en sucres. Ces peaux, mises en contact avec le vin de moindre qualité, déclenchaient alors une seconde fermentation.
Le résultat ? Un vin quelque peu amélioré, plus alcoolisé, mais surtout vendable ! Du bon sens et une volonté de ne rien gâcher en somme. Cette méthode est appelée ripasso car le Valpolicella était « repassé » sur les peaux du recioto. Pas sûr toutefois que les maîtres de chai étaient enclins à communiquer sur cette astuce qu’ils utilisaient en réalité pour améliorer un vin de second choix !
Le cas Masi
En 1967, Masi, l’un des plus importants producteurs de Valpolicella, lance sur le marché Campofiorin, sa Valpolicella Superiore. Le vin connaît un succès extraordinaire, tant en Italie que sur les marchés internationaux. Aujourd’hui encore, cette marque est l’une des plus emblématiques et reconnaissables.
Après de longues disputes et un procès, Masi abandonne en 2006 et met le terme ripasso à la disposition de tout producteur de Valpolicella qui souhaitait l’utiliser sur l’étiquette. En quelques années, la production des ripasso explose, alimentée par un succès public constant. En 2007, la dénomination Ripasso DOC est créée et la production triplée…
Aujourd’hui, les amateurs apprécient ce vin très proche de l’amarone en termes de structure et d’arômes, à un prix cependant bien inférieur.
Le processus d’élaboration
Des techniques de margoulins pour écouler quelques cuves aux quantités industrielles produites de nos jours, le procédé de fabrication du ripasso a forcément bien évolué.
De manière générale le concept est le suivant :
- On vendange puis on vinifie un vin rouge de manière classique.
- On transfère ce vin dans une cuve contenant du marc de recioto, ou d’amarone.
- Le vin repose au contact du marc fraîchement pressé pendant environ 15 à 20 jours, durant lesquels une seconde fermentation alcoolique a lieu.
- Ce tout nouveau ripasso est ensuite soutiré et peut être élevé en cuve ou en barriques.
Techniques modernes
La production de vin doux (recioto) dans la Valpolicella étant très limitée, les producteurs ont donc également commencé à utiliser le marc d’amarone, qui est cependant moins riche en sucres et en couleur en raison d’une fermentation beaucoup plus longue. Alors, comment est-il possible d’obtenir le même résultat ? Au fil des années, les vignerons ont développé toute une série de techniques et d’améliorations du processus.
Il est également possible de mettre une partie de la vendange de côté pour aider à une seconde fermentation. De nos jours dans la production du ripasso, environ 70% des raisins sont pressés et fermentés immédiatement après la récolte, tandis que les 30% restants sont séchés pendant un mois ou plus puis ajoutés pour déclencher une seconde fermentation.
Certains producteurs se sont même lancés dans le séchage complet des raisins, durant environ un mois. Les raisins sélectionnés pour le ripasso sont donc tous laissés à sécher avant d’être pressés pour la fermentation. Ce processus est appelé le petit amarone, puisqu’il s’agit du même principe, mais raccourci !
Caractéristiques du Valpolicella ripasso
Comme tout autre vin de la Valpolicella, le ripasso est produit à partir d’un assemblage de cépages typiquement véronais : le corvina, le corvinone et le rondinella, auquel peuvent être ajoutées un faible pourcentage d’autres variétés locales.
Le corvina joue un rôle majeur, certes connu davantage pour son acidité et ses arômes de griotte que pour sa profondeur. Le corvinone, longtemps considéré comme un clone du corvina possède des caractéristiques similaires, peut-être plus épicées. Le rondinella est utilisé principalement pour ajouter de la couleur et du corps à l’assemblage. Il offre quelques notes d’épices douces, d’herbes aromatiques et un aspect plus tannique.
Les amateurs de vin vénitien vous le diront : le ripasso, c’est « le meilleur des deux mondes ». Allié à la fraîcheur et à la légèreté typique des Valpolicella classico, le procédé de séchage des raisins va quant à lui apporter toute sa structure, sa puissance et sa générosité au vin.
Ces vins développent aussi bien des notes de fruits rouges frais, salivants, et un caractère plus mûr et compoté, comme la confiture de cerise. Selon l’élevage et le millésime, peuvent apparaître de délicieuses notes de prune, de noyaux de cerise, de tabac et de vanille. Les assemblages qui donnent la part belle au rondinella dégagent de délicates notes de garrigue et de poivre noir.
Les tanins, amples mais soyeux, sont généralement bien intégrés au vin, dès sa jeunesse.
S’il vieillit au moins un an avant la mise en bouteille, le ripasso est alors classé « superiore ». Il n’est pas si évident de les reconnaître des ripasso standards en dégustation à l’aveugle…
Enfin, dans la vallée de Valpantena, le ripasso dispose de sa propre DOC, le Valpolicella ripasso Valpantena. Plus sec et concentré, ce vin offre parfois un arôme distinctif d’amande amère.
Accords mets vins avec le Valpolicella ripasso
Ayant été sommelier dans un établissement italien, j’ai pu remarquer à quel point le Valpolicella ripasso était un vin complet, et polyvalent.
Dans le cadre d’un apéritif frugal, il se convient parfaitement à lui-même. Proposé avec une assiette de fromage et de charcuterie, il apporte suffisamment d’acidité pour accompagner à la fois la note lactique des fromages crémeux et casser le gras de la plupart des jambons.
Nombre de risotti d’automne, surtout ceux à bases de champignons, s’accommodent volontiers de sa fraîcheur et de sa puissance. Et que dire de l’authentique osso buco à la milanaise, du lapin chasseur, ou de la parmigiana d’aubergines. Pour les plus aventureux, la pastisada de cheval reste probablement l’accord régional le plus typique possible…
Sélection
Après la théorie, la pratique ! En France, de plus en plus d’épiceries italiennes commencent à proposer du ripasso. Les sites de e-commerce disposent également d’offres réduites, mais souvent qualitatives. N’hésitez pas non plus à consulter les sites italiens ! Ils pratiquent généralement l’envoi direct vers la France.
Voici trois bouteilles que vous devriez pouvoir trouver en France, notamment chez Eataly Paris :
Speri – Valpolicella Ripasso Classico Superiore DOC
Massimago – Valpolicella Ripasso DOC ‘Marchesa MariaBella’
Masi – Rosso Verona IGT ‘Campofiorin’ : produit selon la méthode de double fermentation.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
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