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Une histoire de Beaujolais Nouveau

"Ils ont réussi à créer un effet de marque autour de tout ça"

Célébré chaque troisième jeudi de novembre, en France bien sûr mais aussi à l’étranger, le Beaujolais Nouveau raconte avant tout l’histoire d’un succès marketing dont les ficelles se tirent depuis les années 70.

Qui c'est qui a la banane ? C'est nouuus ! - Le Progrès ©

La naissance du Beaujolais Nouveau

On dit que tout se mérite. Si aujourd’hui l’image des Beaujolais Nouveaux n’est pas des plus fines, on voit quand même que les affaires ne marchent pas trop mal. Et si les vignerons du Beaujolais en sont arrivés là, c’est grâce à leurs efforts communs et à leur sens du commerce. 

Déjà au XIXe siècle on produisait dans cette région un vin dit « sous le pressoir » : le jus à peine pressé était mis en fûts et expédié à Lyon et à Paris. Durant le voyage il fermentait et était prêt à être consommé à l’arrivée. Gain de temps, gain d’argent.

Un siècle plus tard, à l’été 1951, un arrêté national interdit la vente de vins d’appellation avant le 15 décembre de l’année de vendange. Mais dans le Rhône cette habitude de commercialiser leur production dès le mois de novembre est alors bien ancrée. L13 novembre, après deux mois de protestation, ils obtiennent gain de cause. Ils pourront à titre exceptionnel vendre leur vin en primeur à condition d’afficher la mention « nouveau » sur l’étiquette des bouteilles.

"Pendant qu'on coupe le saucisson - Jeff, qu'a failli tout faire valser - réclame un air d'accordéon - le Beaujolais nouveau est arrivé!" La Rue Kétanou / Getty ©

Du rouge et Duboeuf

Par la suite, en 1967, on fixe la date de sortie des Beaujolais Nouveaux au 15 novembre, puis finalement au troisième jeudi de novembre pour des raisons administratives. “Ça crée un véritable buzz dont on parle avant sa sortie” explique Olivier Bompas. 

Dans les années 1980, une phrase anodine va devenir le slogan mondialement connu : « Le Beaujolais Nouveau est arrivé« . « Pas besoin de publicité, cette devise est le fruit de l’enthousiasme des bistrots et cavistes, qui l’affichent spontanément sur leurs devantures » (beaujolaisnouveau.fr)

C’est à cette époque que celui qu’on appelle l’inventeur du Beaujolais Nouveau commence à imposer le vin produit dans son domaine comme les incontournables de cet évènement, Georges Duboeuf. « Grâce à ce génie du vignoble, le vin fruité des mâchons est devenu un phénomène médiatique mondial » déroule Jacques Berthomeau. Bon gré mal gré l’élève de Louis Orizet finira par intensifier sa production et c’est notamment dans ses vins qu’on retrouvera la levure 71B, une levure ultra performante à laquelle on doit ce goût si caractéristique de banane, autre argument commercial de différenciation aujourd’hui rejeté par une partie des consommateurs.

Dans la vidéo ci-dessous Daniel Bulliat et Georges Duboeuf nous décrivent l’histoire telle qu’ils l’ont vécue dans leurs villages depuis la création du Beaujolais Nouveau :

Le vin nature en héraut du Beaujo

La mode du Beaujolais Nouveau a su s’imposer aux quatre coins du monde et rien ne présage ce déclin « has been » comme on peut parfois l’entendre. Cependant comme me disait en 2020 Marko Primosic, « la mode a un début et une fin ». Aujourd’hui si la tendance des Beaujolais Nouveaux industriels sans âme faiblit indéniablement surtout auprès du jeune public, c’est bien au profit des vins plus « naturels ». Voire même jusque dans les bistrots, où c’est le renouveau de tous les vins du Beaujolais qui s’opère. Le cépage gamay séduit, de Saint-Amour à Saint-Germain-des-Près.

Aujourd’hui, les enfants spirituels de Jules Chauvet s’appellent Kéké Descombes, Sébastien Besson ou encore Pierre Cotton. Ils favorisent les gamay sans thermo-vinification ni levures oenologiques. 

69 Export

Les chiffres ci-dessous représentent les volumes vendus sur l’année 2019 à travers le monde. Cette année-là, c’est plus de cinq millions de bouteilles de Beaujolais Nouveau qui partirent seulement au Japon. Ce qui en fait encore une fois le premier pays importateur, loin devant les Etats-Unis.

« Il faut bien comprendre que les Japonais consomment très peu de vin, environ trois litres par an par habitant, contre plus de 50 litres en moyenne en France, indique Adrien Duboeuf-Lacombe, directeur export des vins Georges Duboeuf. Pourtant, et comme chaque année, tous les supermarchés et restaurants sont en ébullition. »

Conquérants, les Beaujolais Nouveaux ont su consolider un marché ultra demandeur, jusqu’à intimer l’idée que remplir des piscines de vin rouge n’a rien de sorcier !

Sources : Petite paume, Ouest France, Le Point

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